Quand on en discute avec les organisatrices et organisateurs de ces démarches, la frustration est bien là — et elle est compréhensible.

Alors, comment changer cette réalité ?

Que faire pour rendre la participation citoyenne réellement inclusive ?

Les approches issues du leadership inclusif et de la DEI (Diversité, Équité, Inclusion), affinées par des années de pratiques, de recherches et de retours d’expérience, peuvent-elles offrir des pistes concrètes pour renforcer l’inclusivité — et, par là même, la légitimité et la portée démocratique — de ces processus participatifs ?

La réponse est, sans aucun doute : oui, bien sûr !

Mais avant de passer directement à une liste de conseils pratiques (promis, ça vient !), il est essentiel de poser des bases. En tant qu’organisatrice ou organisateur de démarches participatives, vous n’avez pas besoin de devenir experte ou expert en leadership inclusif et DEI, mais il est important d’en comprendre les principes fondamentaux — et surtout, de savoir ce qui, clairement, ne fonctionne pas pour construire une démarche de participation inclusive.

Alors, commençons par-là : ce qui ne marche pas.

 

1. Parler à « tout le monde »

Demandez à n’importe quelle professionnelle ou quel professionnel du marketing : la première étape d’un marketing efficace, c’est de connaître sa cible.

Il est impératif d’identifier clairement son public (ou ses segments cibles) et de comprendre ses besoins, motivations, freins, références et valeurs.

Et pourtant, pour une raison mystérieuse, cette étape est souvent négligée dans la préparation des démarches participatives.

On se contente de s’adresser à « tout le monde » ou à « l’ensemble de la population ». Accrochées ou accrochés à un idéal illusoire d’égalité formelle et dépersonnalisée, on finit par ne réellement s’adresser à personne… Sauf à celles et ceux qui, de par leurs positions privilégiées, seraient venus de toute façon, avec ou sans invitation.

Tant que vous ne pouvez pas répondre clairement à la question « qui est votre public cible ? », vous n’êtes pas prête ou prêt à planifier une démarche participative inclusive.

Autrement dit: celle ou celui qui parle à tout le monde, ne parle effectivement à personne.

 

2. Communiquer de façon floue sur rôle de la participation citoyenne dans la décision publique

Au fond, à quoi sert concrètement une démarche participative ? Plus précisément : quel est son impact réel sur les décisions publiques ?

Pourquoi une infirmière renoncerait-elle à son précieux temps libre entre amies pour participer à une réunion sur l’aménagement de son quartier ? Quelle est la valeur ajoutée de sa participation ? À quel changement concret peut-elle raisonnablement s’attendre ?

Très souvent, nous communiquons de manière floue sur la fonction réelle de la participation citoyenne, tout simplement parce que nous ne le savons pas clairement. Alors, on s’en sort comme on peut :

  • Option 1 : On évite le sujet. On fait comme si ce n’était pas essentiel. On suppose que le thème est suffisamment noble pour attirer la participation spontanée (« la ville appartient à toutes et tous, non ? »).

Résultat : perte de sens, désengagement.

  • Option 2 : la survalorisation idéaliste. On promet qu’on va « changer le monde », « faire vibrer la démocratie », ou « construire un avenir meilleur pour nos enfants ». Mais en réalité, l’impact est souvent bien plus modeste (par exemple, décider de l’emplacement d’un escalier… qui sera peut-être finalement remplacé par une rampe).

Résultat : déception, perte de confiance.

  • Option 3 : la minimisation cynique. On se dit qu’on est obligée ou obligé par la loi, alors on coche la case. On réduit la participation à une formalité vide, un simulacre de démocratie.

Résultat : désillusion, désengagement profond.

 

Une alternative plus engageante ?

Oui. Elle commence par une compréhension lucide du cadre réel de la participation citoyenne et des besoins des publics cibles, pour pouvoir ensuite communiquer de manière honnête, claire et motivante.

Il s’agit de communiquer ce que cette participation apporte concrètement aux personnes ciblées — ainsi que ses limites et ses possibilités — dans un langage qui leur parle, et sur la base d’un échange transparent, équilibré et bénéfique pour toutes les parties.

 

Autrement dit: il faut donner envie de participer, non pas par devoir, amusement ou illusion, mais par engagement et responsabilité.

 

3. Limiter la participation citoyenne à des séances formelles de discussion

Trop souvent, la participation citoyenne se résume à une ou deux réunions publiques, dans une grande salle, à une heure peu pratique, avec des présentations descendantes… suivies de quelques interactions avec le public ou d’une facilitation de dialogue plus au moins réussie.

Et c’est tout.

Ce format unique — formel, rigide, parfois intimidant — exclut de fait une grande partie de la population, par exemple :

  • Celles et ceux qui ne sont pas à l’aise à l’oral ou en public,
  • Les personnes qui travaillent ou ont des horaires décalés,
  • Les parents sans solution de garde,
  • Les jeunes, les personnes migrantes, les personnes en situation de handicap ou de précarité, qui ne se sentent pas légitimes ou bienvenues.

Une participation inclusive nécessite des formats diversifiés et accessibles, pensés pour rejoindre les gens là où ils sont, dans des espaces qu’ils connaissent, à des moments adaptés à leurs réalités.

Les participantes et les participants rendent un véritable service aux autorités publiques : ils et elles leur offrent un accès privilégié à un atout rare, autrement indisponible — l’expertise d’usage citoyenne.

Alors, allons chercher cette connaissance à la source !

 

Autrement dit : si votre seule proposition, c’est « une séance publique dans la salle communale mardi à 18h », ce n’est pas (encore) une démarche participative inclusive.

 

4. Ne pas faire de retour adéquat à la population consultée

C’est l’un des oublis les plus fréquents – et les plus dommageables – des démarches participatives : négliger le retour à celles et ceux qu’on a consultées et consultés.

La population prend du temps, partage con vécu, ses idées, ses préoccupations. Et ensuite ? Souvent : plus rien. Ou très peu.

Pas de message, pas d’explication, pas de remerciement, pas d’information sur les suites du projet. Ce silence crée un sentiment d’inutilité, voire de trahison, surtout lorsque la consultation a suscité de l’espoir ou de l’engagement sincère.

Ne pas faire de retour ou le faire de façon insuffisante, c’est envoyer le message implicite que la parole des participantes et participants n’a pas vraiment compté. C’est aussi leur signaler que vous – et donc l’autorité que vous représentez – ne méritez pas leur confiance.

C’est ainsi que se fragilise, durablement, la confiance envers les institutions et les processus démocratiques.

Une démarche participative inclusive implique un retour clair, transparent et respectueux à la population :

  • Sur ce qui a été retenu, modifié, écarté,
  • Sur les raisons de certains choix,
  • Sur la suite du processus.

Et ce retour doit se faire dans un langage simple, accessible à toutes et tous — pas dans un jargon administratif opaque.

Rendre des comptes, c’est reconnaître la valeur de la participation.

 

Autrement dit : la participation citoyenne ne se limite pas à des échanges ponctuels sur le territoire ; elle reflète la qualité de la relation entre la communauté et les autorités publiques.

 

 

Márcia Canário (Elle)

Eleda Consulting

Leadership inclusif et Diversité, équité et inclusion

Conseil, formation et expertise

 

Cette ressource fait partie du dossier thématique Mobiliser et faire participer une diversité de publics.