Poser ou ne pas poser… de bonnes questions ?

Une démarche participative, c’est avant tout une quête collective pour des réponses.

Mais soyons honnêtes : il n’est pas toujours simple de savoir quelles questions poser… encore moins les bonnes.

Bonnes selon quels critères ? Bonnes pour atteindre quels objectifs ?

En réalité, avant même de préparer des questions pour les participant.es, nous — les organisatrices et organisateurs — avons besoin de nous en poser à nous-mêmes. Et pas seulement sur l’objet de la démarche, mais aussi sur la façon dont nous allons en évaluer le processus.

Ici, une « bonne question » est celle qui maximise nos chances d’obtenir une réponse sincère, la moins biaisée possible, et qui nous rapproche d’une image fidèle de la réalité. Rien que ça !

Mission ambitieuse ? Oui. Mais tout à fait faisable.

Petit avertissement : sur ce chemin, vous risquez de faire des découvertes qui bousculeront certaines certitudes et vous feront sortir de votre zone de confort. Alors, prêt.es pour l’aventure du questionnement sans biais ? Allons-y.

1. Clarifiez vos objectifs (et ne sautez pas cette étape !) 

Avant de solliciter qui que ce soit, prenez un moment pour vous demander pourquoi vous organisez cette démarche ou cette évaluation. Cherchez à formuler clairement ce que vous espérez en tirer. Pensez aussi à qui cela va intéresser, qui aura accès aux résultats et dans quel but. Enfin, demandez-vous comment les données seront utilisées, et à quoi elles serviront concrètement. Ces réponses détermineront non seulement le type de questions à poser, mais aussi leur formulation et leur précision.

Et surtout, résistez à la tentation de brûler cette étape : elle est bien plus stratégique qu’elle n’en a l’air et peut transformer tout le reste du processus.

2. Jouez intelligemment avec les questions ouvertes et fermées

Les questions fermées — par exemple un choix entre Oui et Non, une échelle de satisfaction ou une liste de réponses possibles — sont précieuses pour obtenir des données faciles à analyser et à communiquer, tout en permettant de comparer les résultats dans le temps. Elles sont idéales pour obtenir des mesures chiffrées, mais laissent peu de place aux nuances et peuvent forcer une réponse qui ne reflète pas exactement la réalité.

À l’inverse, les questions ouvertes laissent aux personnes interrogées toute liberté dans leur réponse. Elles peuvent ainsi apporter des informations riches et révéler des perspectives inattendues. En revanche, leur traitement est plus complexe et il est parfois difficile de les systématiser ou de les comparer.

En pratique, mieux vaut combiner les deux approches : utilisez les questions fermées pour mesurer, et les ouvertes pour comprendre. Par exemple, commencez par « Sur une échelle de 1 à 5, dans quelle mesure vos contributions ont-elles été prises en compte ? » puis enchaînez avec « Quelles améliorations proposeriez-vous pour mieux prendre en compte les contributions ? ».

3. Restez neutre (et évitez d’orienter les réponses)

Une bonne question ne doit pas suggérer la réponse attendue. Évitez les formulations suggestives, les adjectifs chargés émotionnellement et les présupposés implicites. Par exemple, demander « Pensez-vous que ce processus participatif a été un grand succès ? » oriente déjà la perception, tandis que « Comment évaluez-vous les résultats obtenus par ce processus participatif ? » laisse toute la place à l’opinion de la personne interrogée. Un mot mal choisi peut suffire à fausser la réponse… et donc l’ensemble de l’évaluation.

4. Respect, sensibilité et… encore du respect

Certaines questions, même posées avec les meilleures intentions, peuvent vexer, exclure ou heurter. C’est souvent le cas si elles véhiculent des stéréotypes, utilisent des termes péjoratifs ou font référence à des éléments personnels comme l’origine, la culture, la religion, le genre ou l’âge. Les formulations qui culpabilisent ou accusent sont également à proscrire.

Pour éviter ces écueils, relisez vos questions avec des personnes aux profils variés, et centrez-les autant que possible sur le processus plutôt que sur les individus. Ainsi, plutôt que de demander « Pourquoi les participant.es n’ont-ils/elles pas été plus actif.ves ? », préférez « Qu’est-ce qui aurait pu favoriser une plus grande participation ? ». La différence peut sembler subtile, mais elle change tout dans la perception.

5. Obtenez un consentement éclairé

Avant de poser la première question, assurez-vous que les participant.es savent exactement à quoi s’attendre. Présentez clairement l’objectif de l’évaluation, l’usage qui sera fait des réponses, les mesures de confidentialité prévues, et précisez qu’ils ou elles peuvent se retirer à tout moment sans conséquence. Selon le contexte et la sensibilité des données, demandez une autorisation explicite, verbale ou écrite. Enfin, garantissez la protection des données personnelles, en particulier si elles sont nominatives. Une courte introduction claire et rassurante avant de commencer vaut toujours mieux qu’un long rattrapage après coup.

6. Intégrez des mesures quantitatives pour suivre l’évolution

Si vous voulez savoir si un processus participatif progresse, vous devez pouvoir comparer les résultats dans le temps. Pour cela, rien de tel que des indicateurs chiffrés : une échelle de satisfaction, le pourcentage de participant.es qui estiment que leurs contributions ont été prises en compte, ou encore le nombre d’idées proposées et effectivement mises en œuvre. Ces données permettent non seulement de visualiser les évolutions, mais aussi de renforcer vos arguments auprès des décideurs. Elles se complètent parfaitement avec les observations qualitatives issues des questions ouvertes. Idéalement, conservez certaines questions clés d’une évaluation à l’autre pour pouvoir tracer des tendances.

7. Quelques astuces qui font la différence

Utilisez un langage simple, clair et adapté au public, en évitant le jargon technique (ou en l’expliquant si nécessaire). Limitez le nombre de questions pour ne pas lasser les répondant.es, et testez votre questionnaire sur un petit groupe avant la diffusion générale. Pensez aussi à la progression : commencez par des questions simples pour mettre à l’aise, puis abordez progressivement les sujets plus complexes ou sensibles. Enfin, laissez toujours la possibilité de faire des commentaires libres, et assurez-vous que le questionnaire est accessible à toutes et tous, que ce soit en format, en langue ou en support.

8. Exemple de questionnaire équilibré

Un bon questionnaire commence par une courte introduction précisant les objectifs, les règles de confidentialité et le recueil du consentement. Viennent ensuite quelques questions fermées pour mesurer des éléments clés, par exemple la satisfaction globale ou la prise en compte des contributions. Les questions ouvertes permettent ensuite de recueillir des retours plus détaillés sur les points positifs et les améliorations possibles. Les données sociodémographiques ne sont incluses que si elles sont réellement pertinentes, et leur utilité est expliquée aux répondant.es. Enfin, un mot de remerciement et une indication sur la suite donnée aux résultats ferment le questionnaire.

Conclusion

La qualité des questions détermine directement la qualité des réponses. Pour obtenir des données fiables et utiles, combinez intelligemment questions ouvertes et fermées, restez neutre et respectueux.se, obtenez un consentement éclairé et intégrez des indicateurs mesurables dans le temps. Bien posées, les questions ne sont pas seulement un outil de mesure : elles deviennent un levier pour améliorer la qualité, la transparence et l’impact de vos démarches participatives.

 

Cette ressource fait partie du dossier thématique Mobiliser et faire participer une diversité de publics.